La Seconde Campagne d'Autriche



Ultime victoire éclatante de Napoléon sur une coalition européenne, la bataille de Wagram asseoit pour la dernière fois la suprématie française sur le continent. Il faut dire que jamais l'ennemi ne s'était aussi bien battu : malgré cinq défaites en cinq jours, l'armée autrichienne ne s'avoue pas vaincue et se replie derrière le Danube. Et il faudra bien plus que les quarante-cinq mille morts d'Essling pour parvenir à l'en déloger... Car cette fois-ci, l'Empereur se heurte à l'Archiduc Charles en personne, sans aucun doute le meilleur stratège autrichien...
Les dates-clés :
4 avril 1809 : Déclaration de guerre entre la France et l'Autriche, lorsque celle-ci envahit la Bavière
19-23 avril 1809 : Victoires françaises de Tengen, Abensberg, Landshut, Eckmühl et Ratisbonne, au rythme d'une par jour.
13 mai 1809 : Vienne est occupée pour la seconde fois depuis 1805
21-22 mai 1809 : Bataille d'Essling; échec de l'armée française à franchir le Danube
5-6 juillet 1809 : Victoire décisive de Napoléon à Wagram
14 octobre 1809 : Signature de la paix à Vienne; fin de la cinquième coalition
Batailles : Tengen, Abensberg, Landshut, Eckhmül, Ratisbonne, Essling, Wagram, Znaïm
La cinquième coalition
La France est engagée dans la péninsule ibérique depuis 1807, avec l'invasion du Portugal après un débarquement anglais près de Lisbonne. L'année suivante, c'est l'Espagne qui est envahie pour - entre autres - la rattacher au blocus continental : le roi Charles IV abdique, le pays, occupé par la Grande Armée, devient un des satellites de l'Empire. Mais, dressée contre la France par le clergé, la population se rebelle, ce qui aboutit à la défaite du général Dupont à Baylen, le 22 juillet 1808, puis celle de Junot à Vimeira le 20 août. Dans toute l'Europe antinapoléonienne et conservatrice, la nouvelle sonne comme un nouvel espoir; que ce soit à la cour du Roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, soi-disant allié de Napoléon, ou dans le cabinet du premier ministre britannique. Mais aucun n'est plus satisfait que l'empereur d'Autriche François Ier, ex-François II, qui a du renoncer à son Saint-Empire Romain Germanique en 1806, après la création de la Confédération du Rhin. Le pays réarme et se prépare à rejoindre l'Angleterre dans une cinquième coalition, en espérant que la guerre tournera mieux qu'en 1796, 1798 et 1800 ou encore 1805...
En 1808, Napoléon se trouve au-delà des Pyrénées où il règle l'affaire espagnole à grands coups de charges de cavalerie et de démonstrations de force. Mais il est vite forcé de rentrer en France en apprenant que l'Autriche a repris sa marche vers la guerre et se charge d'intentions belliqueuses... Une fois de plus, l'Empereur n'a pas le choix : il doit battre les forces de François Ier dans une vctoire éclatante comme à Austerlitz, Iéna ou Friedland.
C'est toutefois l'Autriche qui ouvre les hostilités : le 4 avril 1809, elle réitère sa manoeuvre de 1805 et s'empare de la ville de Munich, capitale du royaume de Bavière, alors allié de l'Empire. Dans un même temps, d'autres corps envaahissent le Nord-Est de l'Italie, dont la garnison française se limite à l'armée du prince Eugène de Beauharnais, forte de 56 000 hommes. Quant à lui, le dispositif autrichien est considérable. L'Archiduc Charles, en tant que ministre de la guerre, est parvenu à reconstituer une armée de près de 500 000 hommes : 200 000 hommes pour les troupes combattantes et 300 000 réservistes, rattachés à la Landwehr. Face à ces forces soigneusement rassemblées depuis trois ans, l'Armée d'Allemagne - la Grande Armée est dissoute après Erfurt - ne dispose que d'environ 200 000 hommes.


Le point faible de Napoléon - et celui-ci en est conscient - se trouve dans la composition de ses troupes. Les soldats d'élite sont restés en Espagne; il doit se contenter d'hommes inexpérimentés, fraîchement recrutés dans les territoires de la Confédération du Rhin, comme les Bavarois de Lefebvre ou les Saxons de Bernadotte .
La campagne de Bavière
Les hostilités vont démarrer plus tôt que prévu : à partir du 9 avril, le Tyrol, terre bavaroise, se soulève sous l'impulsion d'Andreas Hofer, ex-aubergiste devenu chef de la résistance locale. Lefebvre est envoyé pour réprimer la révolte, avant de rejoindre l'armée principale et de participer aux opérations militaires. La situation est aussi inquiétante sur le front italien : Eugène de Beauharnais a dû faire face à une incursion autrichienne et a été battu le 16 avril à Sacile, par l'Archiduc Jean. Le 17, l'Empereur, arrivé à Donauworth, prend le commandement de l'armée et, le lendemain 18 avril, finalise son plan qui devrait permettre de battre les forces de l'Archiduc dès le commencement de la guerre. En ce premier jour de campagne, Davout va remonter vers le Nord en présentant volontairement son flanc : les Autrichiens vont alors se jeter sur ce qui paraît être une proie facile, pendant que Masséna et Oudinot vont se porter vers Landshut au Sud en un vaste mouvement tournant qui coupera toute retraite à l'armée ennemie. Celle-ci se verra alors forcée d'accepter le combat...
Le 19 avril, Davout cesse sa progression et se jette sur l'avant-garde de l'armée autrichienne à Tengen afin de l'immobiliser. Sa jonction avec les troupes bavaroises le même jour lui permet de mettre l'ennemi en déroute et de menacer les flancs de l'armée principale de l'Archiduc. Alors que se déroulait ce prélude à la "campagne des cinq jours", l'Autriche envahissait la Pologne et perdait la bataille de Raszyn (19 avril) face au prince Poniatowski, futur maréchal d'Empire...



Jeudi 20 avril. Napoléon cherche maintenant à battre de manière décisive l'armée autrichienne, qu'il rencontre à Abensberg. Il précipite aussitôt Lannes à l'attaque de la gauche ennemie (Archiduc Louis et général Hiller) et couple son offensive avec les généraux Morand et Gudin qui enfoncent le centre, et mettent l'ennemi en déroute.


L'armée française vient de remporter deux victoires en deux jours, et a détruit l'aile gauche autrichienne. Maintenant, c'est au tour du reste de l'armée : l'Empereur envoie Masséna réaliser un nouveau mouvement tournant vers Landshut pour prendre l'ennemi en étau; mais contrairement à ce qu'attend Napoléon, la retraite de l'Archiduc n'est pas coupée. Celui-ci vient en effet de s'emparer de Ratisbonne au Nord, et dispose maintenant d'une porte de repli vers l'Est s'il le souhaite. Mais estimant qu'il est trop tôt pour songer à la retraite - il le regrettera après trois autres jours de combat et de défaite -, il prépare une attaque sur le corps de Davout isolé de l'armée d'Allemagne, et occupe la ville de Landshut. Napoléon devance son adversaire et envoie Davout en avant pour lancer l'offensive. Les Français tentent alors de s'emparer de la ville, en passant par deux ponts défendus pied à pied par le général Hiller. L'arrivée de Masséna permet de débloquer la situation et provoque la déroute des Autrichiens. Troisième victoire en trois jours...


Mais ces simples escarmouches ne peuvent pas décider à elles seules de l'issue de la guerre. C'est la bataille d'Eckmühl, le 22, qui fera la différence : 80 000 Autrichiens vont maintenant affronter près de 100 000 Français... L'Archiduc va commettre sa première erreur de la campagne, et Napoléon, fidèle à ses habitudes - "on ne surprend pas deux fois l'ennemi en pareille faute", avait-il déclaré à Friedland - va sauter sur l'occasion et saura en profiter. Le frère de l'empereur d'Autriche passe en effet la matinée à regrouper ses forces sans songer à lancer l'offensive, alors que Napoléon va mettre chaque minute à profit et rappelle le corps de Lannes pour pouvoir l'utiliser dans l'affrontement qui se prépare. Les combats s'engagent en début d'après-midi : Davout et Lefebvre (à peine 30 000 hommes) sont attaqués par l'Archiduc en nette supériorité numérique. Mais l'Empereur et Lannes ne tardent pas à arriver, à treize heures, et à porter secours au Duc d'Auerstaedt - bientôt prince d'Eckmühl... Aussitôt arrivé, l'Empereur lance la division Vandamme faire sa jonction avec le Duc de Dantzig tandis que Davout attaque Eckmühl avec vigueur et s'empare de la ville, que les Autrichiens de Rosenberg prennent et reprennent avant d'être définitivement jetés dehors par l'infanterie française.

Bien vite, c'est toute la ligne autrichienne qui reflue encore et encore... jusqu'à la déroute générale, protégée par deux carrés de soldats hongrois et un détachement de cavalerie, qui résistent un instant aux charges des généraux Nansouty et Saint-Sulpice avant de s'enfuir à leur tour.
L'armée autrichienne se replie sur Ratisbonne et s'enferme dans la ville où les Français, qui ont tardivement entamé la poursuite en raison de l'état d'épuisement dans lequel se trouvaient leurs troupes, arrivent le 23 avril, et surprennent les Autrichiens en plein repli derrière le Danube. Lannes lance aussitôt l'assaut et, au moyen d'échelles et de planches, pénètre sur les remparts puis dans la ville. L'ennemi oppose une faible résistance et parvient à blesser superficiellement l'Empereur au talon. Car c'est un fait connu : en campagne, Napoléon se tient aux côtés de ses troupes et s'expose au premier boulet un peu mieux pointé que les autres; boulet qui, selon ses dires, n'était "pas encore fondu"... Son état-major en fera parfois les frais, comme le général Duroc en 1813, fauché par un boulet à deux pas de l'Empereur. Le 23 avril 1809, celui-ci, s'assied sur un tambour pour se faire panser, remonte à cheval malgré les protestations de son entourage, se rapproche encore des combats et électrise les fantassins de Lannes qui redoublent d'ardeur, puis assiste à la prise de la ville... et tout cela sans jamais avoir pris la peine de remettre sa botte !


L'Archiduc Charles vient d'enregistrer cinq défaites consécutives sans avoir pu riposter. Il n'en conserve pas moins une armée encore capable de se battre (environ 140 000 hommes), assez pour continuer la guerre. Mais à nouveau, il estime que le moment n'est pas propice à une contre-attaque générale et regroupe ses forces de l'autre côté du Danube puis brûle les ponts qui permettent de le franchir, de manière à se mettre à l'abri des coups de Napoléon.
C'est une bonne stratégie pour reprendre des forces, mais elle ne permet pas de préserver sa capitale : entretemps, Masséna a battu Hiller à Ebersberg (3 mai) et Vienne est occupée pour la seconde fois le 13 mai 1809, après une défense acharnée de la part de l'Archiduc Maximilien, qui finit par se replier lui aussi derrière le fleuve à la prise de la ville.
Ces affrontements non décisifs que Napoléon et l'Archiduc se livrent en avril 1809 constituent la campagne de Bavière, une "sous-campagne" de la guerre de 1809.

La bataille d'Essling


Après ses victoires sur l'Archiduc Charles et le repli de ce dernier derrière le Danube, l'Empereur s'est fixé pour objectif de rejoindre les troupes autrichiennes et de livrer, selon son habitude, une grande bataille décisive. Pour cela, il faut traverser le fleuve. L'armée française va donc occuper l'île de Lobau et préparer son débarquement sur la rive gauche. A l'aube du 21 mai 1809, les corps de Masséna et Lannes ont pris pied sur la rive, et se sont retranchés dans les villages d'Aspern et Essling. La bataille s'engage au moment où l'archiduc apprend l'arrivée des Français sur "sa" rive : il se presse d'envoyer ses colonnes d'infanterie à l'assaut des villages, avec un puissant appui d'artillerie. Aspern et Essling sont vite transformés en forteresse et les soldats qui s'y barricadent doivent affronter un ennemi trois fois plus nombreux.

Comme dans toutes les batailles de position, les pertes sont terribles dans les deux camps. La Moskowa, Ligny et Waterloo, pour ne citer qu'elles, en sont la preuve... Les Français doivent de plus composer avec la rupture régulière du grand pont, qui assure la liaison entre les deux rives.

Le deuxième jour de la bataille, la victoire échappe de peu à l'Empereur. Lannes vient de lancer une contre-offensive générale et menace de séparer les forces de l'Archiduc, mais une énième rupture du grand pont le contraint à se replier. Bientôt, c'est toute l'armée française qui l'imite, sous le feu des batteries autrichiennes; repli au cours duquel le Duc de Montebello, sans aucun doute un des meilleurs amis de Napoléon, est mortellement blessé. Alors que ses troupes évacuent lentement leurs positions, l'Empereur se précipite au chevet du quasi-vainqueur d'Essling, qui mourra de ses blessures huit jours plus tard.


Essling est le premier échec militaire de Napoléon. Echec parce qu'il n'est pas parvenu à franchir le Danube et à battre l'Archiduc Charles; mais cet échec ne peut pas être considéré comme une défaite - quoiqu'en disent les coalisés - car les forces autrichiennes n'étaient pas en meilleure posture au soir du 22 mai, et qu'elles ont elles aussi dû abandonner le terrain. Quoiqu'il en soit, tout est revenu au point de départ : l'armée française, toujours bloquée sur la rive droite, cherche à nouveau à rejoindre une armée autrichienne qui préfère éviter le combat. Mais, comme l'apprendront l'Archiduc et ses stratèges à leurs dépens, cette situation ne va pas durer bien longtemps...

La bataille de Wagram




Après la bataille d'Essling, Napoléon transforme l'île de Lobau en un véritable camp retranché : des milliers d'hommes construisent les ponts qui permettront de traverser le Danube, et des hôpitaux de campagne sont mis en place. L'Archiduc Charles, de son côté, fortifie ses positions en espérant que Napoléon reproduira sa stratégie d'Essling.

Le 5 juillet, les Français franchissent le fleuve pour se rendre sur la rive gauche, occupée par les Autrichiens. Le premier assaut se solde par un ex aequo et, le lendemain, les Autrichiens attaquent à leur tour; la lutte est acharnée entre les deux camps. Voyant ses régiments du Sud subir un débordement, l'Empereur envoie Masséna au village d'Aspern où Boudet combat à un contre cinq. Finalement, en fin d'après-midi, Napoléon arrache la victoire en lançant la "colonne Macdonald", un gigantesque carré d'infanterie de 8000 hommes, à l'assaut des lignes ennemies tandis que son artillerie déchaîne un feu d'enfer sur les troupes de l'Archiduc. Celui-ci doit se résigner une nouvelle fois à la retraite, voyant ses forces ployer sous les assauts français. L'Archiduc Jean, arrivé en renfort à la fin de la bataille, entame une vaillante et glorieuse attaque des hôpitaux et des services médicaux français à l'arrière, mais il se voit repoussé avec vigueur par les cavaliers de Grouchy. En fin de journée, Napoléon installe ses quartiers à Wagram, sur le champ de bataille, dont il est désormais le seul et unique maître : la victoire est décisive.
L'Empereur a conscience de la fatigue de ses troupes, lui-même laissant percevoir un sentiment de lassitude : ce n'est que le lendemain que l'armée française lève le camp pour partir à la poursuite de l'ennemi. Davout part aussitôt vers Brünn, à deux pas d'Austerlitz, tandis que Marmont se dirige vers Znaïm où les Autrichiens se sont repliés après leur défaite. Le futur Duc de Raguse décide de lancer l'assaut le 10 juillet avec à peine 10 000 hommes, sans attendre de renforts. Il est rejoint le lendemain par Masséna avec qui il triomphe une dernière fois de l'Archiduc, et gagnera son bâton de maréchal le 12 juillet.


L'épuisement se fait vite sentir dans les deux camps et, à peine le combat fini à Znaïm, l'Archiduc Charles se résout à demander un armistice à la France, par l'intermédiaire du prince de Liechtenstein que l'Empereur des Français tient en haute estime. Proposition que Napoléon s'empressera d'accepter, heureux de mettre un terme à cette guerre qu'il n'avait pas voulue. Les négociations commencent à partir de la mi-juillet, les exigences de Napoléon envers l'Autriche, représentée par Metternich, sont très limitées car il souhaite en finir au plus tôt, malgré l'opinion du maréchal Davout qui lui conseille de rayer tout simplement l'empire d'Autriche, trois fois parjure, de la carte. Napoléon, peut-être à tort lorsque l'on connaît la suite, refusera en rétorquant "assez de sang versé !". Le 14 octobre, on célèbre la signature de la paix de Vienne, par laquelle l'empereur d'Autriche s'engage à n'entretenir une armée dont les effectifs ne pourront dépasser 150 000 hommes, et offre à l'Empire Trieste et la Croatie. Ces dernières formeront, avec la Dalmatie et l'Istrie, les Provinces Illyriennes, désormais possessions françaises que Marmont, Bertrand, Junot et enfin Fouché auront tour à tour à administrer.
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