Les Cent-Jours



Sur une mer balayée par le vent, la silhouette d'un homme arborant un bicorne légendaire se dessine à l'horizon en cette matinée de printemps 1815. L'Empereur, de retour ? C'est bien lui. Cent Jours à peine lui suffisent à reconquérir le trône qu'on lui a ravi l'an passé, réorganiser l'armée, renvoyer le Bourbon à Gand; Cent Jours durant lesquels l'Europe a retenu son souffle, jusqu'à cette tristement célèbre bataille dans la campagne belge : Waterloo, ou la fin d'un monde...
Les dates-clés :
1er mars-20 mars 1815 : le "Vol de l'Aigle" : Napoléon revient de l'île d'Elbe; arrivée aux Tuileries le 20 mars; exil de Louis XVIII
14 juin 1815 : Début de la campagne de Belgique
16 juin 1815 : Victoire de Ligny
18 juin 1815 : Défaite de Waterloo
22 juin 1815 : Seconde abdication; fin des Cent-jours

Batailles : Ligny, Waterloo
Le Vol de l'Aigle
1er mars 1815 : après un séjour de dix mois sur l'île d'Elbe, Napoléon débarque à Golfe-Juan sous les yeux des fidèles qui l'ont suivi dans son exil. C'est alors le début d'une rapide reconquête du pouvoir, en moins de 20 jours, "sans tirer un seul coup de fusil ni verser une seule goutte de sang". Le 7 mars, sur la route de Grenoble, au défilé de Laffrey, il rencontre le cinquième régiment de ligne du capitaine Randon - qui deviendra maréchal de France en 1856 -, bien déterminé à arrêter sa progression vers Paris. La confrontation va donner lieu au fameux épisode de l'Empereur s'avançant seul, désarmé, devant les troupes royalistes, et obtenant, d'une seule phrase - "S'il est parmi vous un soldat qui veuille tirer sur son empereur, me voilà !", leur ralliement et leur entier dévouement. Ceci fait, il remonte vers Auxerre où il apprend que le maréchal Ney a été dépêché par Louis XVIII pour l'arrêter; il lui aurait promis de "ramener l'usurpateur dans une cage de fer"... Nouveau revirement de situation le 18 mars : le maréchal est finalement forcé de se rallier, devant la défection de ses troupes. Louis XVIII et le comte d'Artois prennent alors la direction de Gand, en Belgique.

Arrivé le 20 aux Tuileries
, il s'empresse, à dix heures du soir, de nommer ses principaux ministres : Caulaincourt aux Affaires étrangères, à la place de Talleyrand, Davout à la Guerre, remplaçant Soult, et Fouché à la police. Sa seconde préoccupation est d'envoyer ses voeux de paix à tous les dirigeants de l'Europe, à commencer par l'Angleterre, irréductible ennemie de la Révolution et la France du début du XIXème siècle. Le gouvernement britannique ne donnant pas de réponse aux requêtes pacifiques de Napoléon, celui-ci rappelle les anciens de la Garde Impériale et de la Garde Nationale à ses côtés, nécessaires à la répression des émeutes royalistes en Vendée. L'Empereur décide de la rédaction d'une nouvelle Constitution qui accorderait plus de libertés aux Français; elle sera approuvée par plébiscite le premier juin.


La situation en France est des plus délicates : les forces alliées, concentrées en Belgique, alignent près d'un million d'hommes. Arthur Wellesley, Duc de Wellington, commande un corps expéditionnaire anglo-hollandais de 95 000 hommes; Blücher, 124 000 Prussiens; Barclay de Tolly est à la tête de 225 000 Russes stationnés au Nord-Est; enfin, l'Autrichien Schwarzenberg et ses 250 000 hommes prennent position au Sud-Est. A ces troupes innombrables s'ajoutent de nombreuses autres armées chargées de prendre la France en étau, en attaquant plus au Sud, comme les 50 000 Espagnols qui se regoupent hâtivement derrière les Pyrénées... Devant ces mobilisations massives, on se prépare encore une fois à la guerre. Soult est nommé le 9 mai major-général de la Grande Armée, fonction autrefois assignée au maréchal Berthier, mais celui-ci a suivi Louis XVIII à Gand.
La Campagne de Belgique


Napoléon en est conscient, il ne pourra pas battre toutes les armées coalisées, même séparément; il lui faut une victoire éclatante qui forcerait la septième coalition à demander la paix. Approuvé par Davout, il compte vaincre les forces de Blücher en premier puis rejeter les Anglais à la mer avant de se retourner contre les Austro-Russes; ce plan minutieusement échafaudé permettrait de conduire à une paix durable avec les voisins européens, sans exigence de la part de Napoléon. Il cherche pour cela à s'engouffrer dans la brèche de 16 lieues entre l'armée de Wellington, assignée à la défense d'Anvers et Bruxelles, et celle de Blücher, qui couvre le Bas-Rhin. Le 12 juin, l'Empereur rejoint ses hommes et s'élance vers la Belgique; le 14, en marche forcée, la Grande Armée franchit la frontière.
La bataille de Ligny




Mais au soir du 15 juin, Ney n'a toujours pas entamé sa manoeuvre vers les Quatre-Bras et c'est en vain que Napoléon attendra son arrivée toute la journée du 16. Nous sommes à présent deux jours avant Waterloo : Blücher s'est retranché dans le village de Ligny, et prévoit de supporter l'assaut ennemi le temps qu'il faudra pour que les renforts anglo-hollandais arrivent. Vers midi, Napoléon apprend que Ney vient enfin de commencer son attaque sur les Quatre-Bras (en engageant uniquement la moitié de ses troupes); il décide alors de commencer l'assaut en attaquant l'aile droite de Blücher. Tandis que les deux belligérants espèrent voir arriver les troupes de renfort, anglais et français, le combat s'enlise à Ligny; le village est pris et repris quatre fois. L'Empereur attend toujours le corps d'armée de Drouet d'Erlon, mais celui-ci, sans cesse demandé en renfort d'un côté ou de l'autre, ne participera finalament ni à la bataille de Ligny ni à celle des Quatre-Bras. Pendant que la bataille fait rage entre les hommes de Napoléon et les Prussiens, Ney peine à contenir les 30 000 Anglais de Wellington. Il n'est donc pas prêt à marcher vers le champ de bataille principal. A 19 heures, Napoléon comprend qu'il devra vaincre seul; il fait donner les 20 000 vétérans de la Garde, qui expulse enfin les Prussiens du village et décide de la victoire finale. Ce 16 juin 1815 et la bourgade de Ligny seront les témoins de la dernière victoire de Napoléon...

Aussitôt la bataille terminée, il se précipite aux Quatre-Bras pour y rejoindre le maréchal Ney; il y arrive le 17 à 14h. Les troupes du maréchal, aux prises avec les Anglais, faute de les avoir attaqués assez tôt, ont cruellement fait défaut à la bataille de Ligny. De ce fait, elles n'ont pas pu venir renforcer les divisions de l'Empereur contre les Prussiens, et ceux-ci conservent une grande partie de leurs troupes. Napoléon envoie donc Grouchy et 33 000 hommes à leur poursuite, avec l'ordre de les écraser puis de marcher vers le champ de bataille pour renforcer l'armée principale.
Wellington, de son côté, prend connaissance de la défaite de Blücher à Ligny et décide de se poster au sommet du Mont-Saint-Jean, près du village de Waterloo, en fortifiant trois fermes devenues célèbres : Hougoumont, La Haie-Sainte, et Papelotte. La bataille s'annonce déjà difficile pour l'Empereur...
La bataille de Waterloo




L'offensive française sur les positions de Wellington n'est lancée qu'à midi, en raison du terrain boueux, entièrement délavé par les pluies de la veille. Dès les premiers assauts, les défenseurs d'Hougoumont font preuve d'une résistance farouche et les combats ne tardent pas à s'enliser sans que l'un des deux camps ne prenne le dessus. Ney décide alors d'enfoncer le centre ennemi, où se trouve la ferme de la Haie-Sainte, mas il doit d'abord faire face à la cavalerie anglaise qui attaque la Grande Batterie.

A 15 heures, croyant à un repli britannique, le Duc d'Elchingen déchaîne la cavalerie française sur les troupes de Wellington sans en aviser l'Empereur : la charge traverse difficilement le chemin creux d'Ohain, comme nous le raconte Victor Hugo dans un fameux passage des Misérables, et finit sa course folle sur les carrés anglais. Ecrasés par le redoutable dispositif d'infanterie que Napoléon utilisa en abondance contre les mamelouks d'Egypte, les cavaliers français sont forcés à la retraite. Mais le "brave des braves" ne s'avoue pas vaincu et relance charge sur charge, des attaques désespérées mais d'un courage indéniable.

C'est alors que se profilent à l'horizon les avant-gardes de Blücher, menées par le prussien Bülow. Napoléon envoie le général Mouton, comte de Lobau, puis la Jeune Garde à Plancenoit pour freiner l'arrivée des Prussiens. Les Français sont maintenant engagés face à Wellington au centre, et face à Blücher à l'Est, où se livre un sauvage combat de rues, bientôt dominé par les Prussiens de plus en plus nombreux. A la fin de la journée, le dispositif français montre des signes de faiblesse et à 19 heures 30, voyant son armée vaciller, Napoléon jette la Vieille Garde dans la bataille. Mais les légendaires grognards au bonnet d'ourson ne parviennent pas à renverser le cours de la bataille : refusant toute reddition, ils se forment en carrés avant de reculer à leur tour.

La défaite est maintenant indiscutable pour Napoléon qui refuse de quitter le champ de bataille malgré les prières de ses généraux. Il y est pourtant contraint lorsque arrivent les hussards prussiens, bien décidés à livrer l'Empereur à Blücher qui n'a maintenant plus qu'une idée en tête : le fusiller, avant de marcher sur Paris et de détruire le pont d'Iéna, symbole de la défaite de son pays en 1806...
La seconde abdication


L'Empereur arrive à Paris le 21 juin. Sa défaite à Mont-Saint-Jean, comme les Français appellent alors la bataille, vient d'anéantir tous ses espoirs de rétablir l'Empire et demeure dans les mémoires de tous comme le synonyme de la fin d'un monde. Cette fois encore, Napoléon sait qu'il doit renoncer au pouvoir : le 22 juin 1815, il doit signer sa seconde abdication en faveur de son fils, obtenue par son frère Lucien et les intrigues de Fouché. Louis XVIII est à nouveau restauré en tant que monarque et il le restera jusqu'à sa mort en 1824.

Napoléon, quant à lui, malgré les acclamations de la foule parisienne demeurée fidèle, se résout à quitter Paris autrefois capitale de l'Europe pour une destination qu'il croit encore pouvoir choisir. Il songe dans un premier temps à s'exiler en Angleterre puis aux Etats-Unis aux côtés du mathématicien Monge, qui l'a accompagné dans la campagne d'Egypte, depuis le port de Rochefort. Mais les Anglais ne veulent plus risquer un nouveau retour de leur ennemi juré.L'homme qui fit trembler l'Europe pendant quinze ans se voit déporté et fait prisonnier dans la petite île de Sainte-Hélène, véritable prison rocailleuse, au climat épouvantable, à quelque 1500 kilomètres des côtes les plus proches. Il y passera les dernières années de sa vie, et y mourra, au milieu de ses derniers fidèles, le 5 mai 1821.


En apprenant l'imminence de l'arrivée des Prussiens à Paris, le 22 juin 1815, Napoléon songe à reprendre les armes malgré la défaite de Waterloo, non en tant qu'Empereur, mais en tant que simple général. Fouché, qui a obtenu son abdication, est épouvanté à cette idée et renvoie vertement les messagers de l'Empereur. Le dernier sursaut de l'Aigle n'aura pas lieu...
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