Campagnes de Prusse et de Pologne



Le Roi de Prusse n'a rien d'un Frédéric le Grand et Napoléon a tout d'un Alexandre : c'est la dure leçon qu'apporte la défaite d'Iéna à la Prusse. Humiliée, écrasée par l'incroyable puissance de la Grande Armée, elle se résout à accepter une paix inacceptable, comptant sur le Tsar pour prendre sa revanche et battre une fois pour toutes le petit Corse maintenant maître de l'Europe...
Les dates-clés :
12 juillet 1806 : Création de la Confédération du Rhin
14 octobre 1806 : Victoires d'Iéna et d'Auerstaedt sur la Prusse
27 octobre 1806 : Entrée à Berlin
21 novembre 1806 : Etablissement du blocus continental
8 février 1807 : Victoire d'Eylau sur les Russes
14 juin 1807 : Victoire de Friedland
25 juin-7 juillet 1807 : Entrevue de Tilsit

Batailles : Iéna, Auestaedt, Eylau, Friedland
La quatrième coalition
Au début de l'année 1806, la Prusse, alors considérée comme la meilleure armée du monde, ne s'est pas encore véritablement impliquée dans les guerres de l'Empire. Elle garde un sévère ressentiment contre la France à la suite de sa défaite à Valmy contre de simples révolutionnaires et commence à s'inquiéter du pouvoir grandissant exercé par Napoléon sur l'Europe. Après ses récents succès contre l'Autriche, l'Empereur crée en juillet 1806 la Confédération du Rhin dont il devient le protecteur, affirmant ainsi sa présence en Allemagne. C'est plus que le roi Frédéric-Guillaume III : le 26 septembre, il somme Napoléon de quitter au plus vite l'Allemagne de l'Ouest.

Devant le refus de ce dernier, et malgré les missives de l'Empereur l'invitant à la paix, il lance ses armées sur la France. Plus de 150 000 hommes sous le commandement du général Gebhard von Blücher... Napoléon, quant à lui, dispose de 180 000 "grognards" et plus de 300 canons, qui font volte-face pour stopper l'avancée prussienne et marcher sur Berlin de manière à envelopper les coalisés. Et le temps lui est compté car bientôt, l'armée prussienne est rejointe par la Saxe, la Suède et la Russie d'Alexandre Ier, qui se liguent à nouveau dans une quatrième coalition. Mais, forts de leur réputation de meilleurs soldats du monde, les Prussiens se montrent vite trop confiants et sûrs de la victoire. Ils marchent sur l'ennemi sans prendre le soin d'attendre les 91 000 renforts russes...
Leur présomption aboutit aux premières défaites de Weimar et Saalfeld (10 octobre), où le prince-héritier Louis-Ferdinand Prusse et accessoirement élève de Beethoven, trouve la mort sous les coups d'un hussard de Lannes. Napoléon fait remarquer au maréchal :"la mort du prince Louis semble être une punition du ciel car c'est lui le véritable auteur de la guerre".


La bataille d'Iéna


Napoléon veut maintenant affronter l'armée royale de Frédéric-Guillaume III. La Grande Armée remonte sur Berlin pour devancer les 60 000 hommes promis par le Tsar au Roi de Prusse. Le plan de l'Empereur est le suivant : marcher sur la capitale adverse pour couper les communications de l'armée ennemie, commandée par le général Hohenlohe, avec le haut-commandement prussien et gêner son ravitaillement, puis l'écraser dans un mouvement tournant. Davout et son 3ème corps se portent au Nord pour isoler Hohenlohe de Berlin et l'empêcher de recevoir des renforts.
L'affrontement a lieu le 14 octobre 1806, à Iéna. La veille, l'Empereur a fait placer son artillerie sur les hauteurs, ce qui lui offre un avantage indéniable. Toute la journée, les Prussiens reculent devant l'avancée des maréchaux Lannes et Ney tandis que Soult et Augereau l'encerlent sur les ailes. Murat assène le coup de grâce à 16 heures et se lance immédiatement à la poursuite des Prussiens; poursuite qui aboutira à la capture de 80 000 hommes en trois semaines...



D'Auerstaedt à Berlin
Mais le grand succès de cette journée du 14 octobre n'est pas à Iéna, où Napoléon se trouvait en supériorité numérique : Davout vient d'écraser le gros de l'armée du roi Frédéric-Guillaume à Auerstaedt, à quelques kilomètres de là. Au matin du 14, abandonné par le maréchal Bernadotte, qui ne l'apprécie guère, Davout doit lutter contre un ennemi trois fois plus nombreux, commandé par le Duc de Brunswick, le vaincu de Valmy, le général Blücher, et le roi de Prusse en personne.
Le maréchal se montre à nouveau grand stratège, épaulé par ses trois divisions "immortelles" des généraux Morand, Gudin et Friant. La victoire française conduit à la mort de Brunswick, à la défaite totale de l'armée prussienne... et à la nomination de Davout au titre de Duc d'Auerstaedt en mars 1808. En l'espace d'une journée, la meilleure armée du monde est anéantie. Désormais, la route de Berlin est ouverte à l'Empereur.



Le 27 octobre 1806, c'est sous les acclamations des berlinois que Napoléon entre en triomphe dans la capitale prussienne, livrée par Frédéric-Guillaume III qui, refusant un armistice, a préféré trouver refuge à Konigsberg, en Prusse orientale. L'Empereur prend à Berlin l'une des plus importantes décisions de son règne : devant les attaques répétées de l'Angleterre contre les navires de commerce français, il décrète le blocus continental le 21 novembre, empêchant à son tour tout échange avec un port britannique. Ce mois de novembre 1806 se résume, outre le blocus continental, à la poursuite effrenée de l'armée prussienne. Seul le corps de Lestocq échappe à Murat, tandis que Ney, Bernadotte et Soult enlèvent ville sur ville. Le 25 novembre, la Grande Armée quitte Berlin et marche sur Varsovie qui capitule le 28. La Prusse à genoux, c'est au tour de la Russie d'affronter le vainqueur d'Austerlitz.
La bataille d'Eylau


La campagne de Prusse illustre à merveille la tactique napoléonienne : encercler l'ennemi grâce à de longues marches forcées, le surprendre ou porter secours à un corps de la Grande Armée dès que le besoin s'en fait sentir; bref, la stratégie de Napoléon est une stratégie de mouvement. Lorsque celle-ci ne pourra plus être appliquée, comme à Eylau, le bilan des pertes sera alourdi et la victoire incertaine jusqu'au bout.

Fin 1806, l'arrivée de l'armée russe en Prusse Orientale est avérée. Napoléon impose une halte à Varsovie pour redisposer son armée et faire face aux troupes russes : les "sept torrents" (les corps d'armée de Bernadotte, Augereau, Ney, Soult, Marmont, Davout et Lannes avec Murat en réserve) s'étirent de la Mer Baltique au centre de la Pologne. Le lendemain de Noël, Lannes remporte une dure mais héroïque victoire à Pultusk. L'Empire français est encore vainqueur à Soldau (Lannes) et à Golymin (Davout), provoquant le repli des Russes vers l'Est.
Le Tsar, en dépit de ses défaites, nomme le général Bennigsen commandant en chef des armées russo-prussiennes (le corps prussien de Lestocq tente de faire sa jonction avec les troupes russes), car celui-ci est persuadé d'avoir écrasé Napoléon à la bataille de Pultusk, alors que l'Empereur n'y assistait pas... Le pauvre général est bien loin de la réalité et se laisse peu à peu encadrer par Murat et Soult qui le forcent à se replier vers le village de Preussisch-Eylau.



Le 8 février 1807 débute la bataille d'Eylau. Aveuglés par une tempête de neige totalement opaque, les hommes du corps d'Augereau s'égarent et tombent sur les batteries russes. Voyant que le maréchal ploie rapidement sous le nombre, Napoléon dépêche Murat à son secours. Le futur roi de Naples charge à la tête de 12 000 cavaliers sur les rangs ennemis. C'est la plus grande charge de cavalerie de l'histoire...
La cavalerie de la Grande Armée taille en pièces les canonniers de Bennigsen. Au même moment, 4000 grenadiers du Tsar marchent vers le cimetière d'Eylau où se tient l'Empereur; celui-ci refuse d'évacuer sa position. Bien au contraire, il engage sa Vieille Garde et l'envoie s'interposer entre le cimetière et les grenadiers ennemis; ceux-ci reculent sous le feu de l'artillerie de l'Empereur qui n'hésite pas à pointer lui-même le canon.


La bataille d'Eylau aura été une victoire malgré tout : avec plus de treize heures d'affrontement sans merci et 30 000 pertes au total (7000 côté français et 23 000 chez les Russes), la victoire n'aura pu être arrachée que par l'arrivée tardive de Ney à 18h et de ses 12 000 hommes, provoquant la retraite de Bennigsen et du Prussien Lestocq, venu entre-temps renforcer l'armée du Tsar.
Le général russe ne clame pourtant pas moins sa victoire à Eylau, même si Napoléon occupe le champ de bataille, afin de montrer que c'est Bennigsen qui a été forcé de se replier.
Profondément marqué par le massacre, l'Empereur reste huit jours à Eylau pour soigner les nombreux blessés, français ou russes. Alors que le maréchal Lefebvre poursuit son siège de Dantzig, Bennigsen rassemble ses troupes pour livrer une nouvelle bataille qu'il espère décisive. Ce sera à Friedland, le 14 juin 1807.


La bataille de Friedland


Le 26 mai, la ville de Dantzig dépose les armes devant les assauts de Lefebvre. Napoléon dispose maintenant de toutes ses troupes, plus de 150 000 hommes face à 100 000 Russes renforcés par les troupes de Kamenski, Lestocq et Lobanov, soit 180 000 en tout (seuls 80 000 hommes participeront à la bataille décisive). Les affrontements commencent lorsque les maréchaux forcent Bennigsen à se replier à l'Est, comme à Eylau quelques mois plus tôt. Le 10 juin à Heilsberg, Napoléon parvient à encercler Bennigsen qui fait retraite jusqu'à Friedland en Prusse Orientale.


La rencontre entre les deux armées a lieu le lendemain 14 juin près des ponts de l'Alle. En arrivant sur le champ de bataille, Napoléon s'exclame : "on ne surprend pas deux fois l'ennemi en pareille faute". Bennigsen vient effectivement de bloquer ses troupes entre l'armée française et la rivière. Pour l'empêcher de s'échapper, l'Empereur ordonne à Ney et deux divisions de s'emparer des ponts. A 17 heures, écrasée par la puissance de feu de l'artillerie française, l'armée russe laisse le futur Duc d'Elchingen enlever le village de Friedland et se retrouve encerclée par la Grande Armée, dont l'aile gauche (Mortier et Grouchy) avance elle aussi vers l'agglomération.


Le général russe Gortchakov s'essaie à une contre-attaque désespérée mais échoue. Tout espoir de triompher de l'Empereur est anéanti au moment où les premières divisions françaises entament la traversée de l'Alle et s'attaquent aux réserves de Bennigsen, stationnées de l'autre côté... Friedland est une nouvelle victoire pour Napoléon qui, n'ayant pas engagé toutes ses troupes, déplore à peine 1300 morts, bien peu à côté du très lourd bilan russe (18 000 morts).


Devant le désastre qui met fin à la quatrième coalition, le Tsar demande la paix entre les deux empires. Le 25 juin 1807, il rencontre Napoléon à Tilsit, en territoire neutre, sur un radeau ancré au milieu du fleuve Niémen, aux côtés de Berthier, Caulaincourt, Duroc et Bessières. Le Roi de Prusse, enfin décidé à déposer les armes, rejoint les deux souverains en Prusse Orientale et échappe de peu à l'anéantissement de son royaume, comme le souligne Napoléon, désireux de se montrer clément et généreux : "bien qu'on m'ait salué de moderne Attila, de Robespierre à cheval, tous savent mieux dans le fond de leur coeur que si je l'avais été, je règnerais peut-être encore; mais eux, bien sûrement et depuis longtemps, ils ne règneraient plus" (Mémorial de Sainte-Hélène).


Alexandre Ier accepte d'adhérer au blocus continental, la Russie fraternise avec l'Empire Français qui fait des deux vaincus ses alliés militaires. L'Angleterre est la seule à ne pas être touchée par ce désir de paix et, comme toujours, continue seule la guerre contre la France. Quoiqu'il en soit, les deux traités signés le 7 juillet à Tilsit (France-Russie et France-Prusse) mettent fin aux campagnes de Prusse et de Pologne et retentissent dans tout l'Empire comme la promesse d'une paix durable en Europe. Promesse qui se révèlera être une illusion lorsque le Tsar "oubliera" ses engagements de Tilsit et que la Grande Armée sera forcée de reprendre les armes en 1812, puis de s'élancer vers les plaines désertiques de Russie, sans se douter qu'elle finira la campagne dans les eaux glaciales de la Bérézina, vaincue, pour la toute première fois...


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D'où vient le surnom de "grognards" attribué aux soldats de la Grande Armée ? Il date de la Campagne de Pologne : en voyant ses hommes "grogner" et se plaindre sans cesse du retard pris par leur solde, Napoléon les a dénommés avec affection ses "grognards". Ce nom sera adopté et deviendra emblématique de l'épopée...


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